Dimanche 5 avril : Sainte Marie d’Egypte

Message pastoral du père Alexandre pour le 5e dimanche du Carême

https://vimeo.com/404220412

Tropaire, ton 1 dimanche, la Résurrection

La pierre ayant été scellée / et les soldats gardant ton corps très pur, / Tu es ressuscité le troisième jour, ô Sauveur, / en donnant au monde la vie ; / c’est pourquoi, Donateur de vie, les puissances célestes Te clamaient : / Gloire à ta résurrection, ô Christ, / gloire à ta royauté, // gloire à ton dessein de salut, Toi le seul Ami des hommes.

https://soundcloud.com/alexdenevski/dimanche-de-sainte-marie-legyptienne

Tropaire, ton 8 Ste Marie l’Égyptienne

En toi, sainte Marie, la création à l’image de Dieu a été vraiment sauvegardée, / car ayant pris ta croix, tu as suivi le Christ / et tu as enseigné par tes actes à dédaigner la chair car elle passe, / et à prendre soin de l’âme qui est immortelle ; // c’est pourquoi avec les anges se réjouit ton esprit.

https://soundcloud.com/alexdenevski/tropaire-sainte-marie-degypte

Kondakion, ton 1 dimanche, la Résurrection

Dans ta gloire Tu es ressuscité du tombeau, car Tu es Dieu, / et Tu as ressuscité le monde avec Toi ; / les hommes T’ont célébré en tant que Dieu, et la mort est  supprimée ; / Adam exulte, ô Maître, / Ève désormais libérée de ses liens se réjouit et clame : // Tu es, ô Christ, Celui qui accorde à tous la résurrection.

Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit.

Kondakion, ton 3 Ste Marie l’Égyptienne, (usage slave)

Autrefois tu t’adonnais à toutes sortes de débauches, / aujourd’hui par le repentir tu es devenue épouse du Christ ; / imitant la vie des anges, / par l’arme de la Croix tu as écrasé les démons ; // c’est pourquoi tu es devenue épouse du Royaume, ô glorieuse Marie.

Et maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen. Kondakion, ton 6 la Mère de Dieu

Protectrice assurée des chrétiens, / médiatrice sans défaillance devant le Créateur, / ne dédaigne pas les supplications des pécheurs, / mais dans ta bonté empresse-toi de nous secourir, / nous qui te clamons avec foi : / sois prompte dans ton intercession et empressée dans ta prière, // ô Mère de Dieu, qui protèges toujours ceux qui t’honorent.


Les lectures du jour

Lecture de l’épître du saint apôtre Paul aux Hébreux (du dimanche) (Hb IX,11-14)

Frères, le Christ a paru comme grand prêtre des biens à venir, il a traversé un tabernacle plus grand et plus parfait, celui qui n’est pas fait de main d’homme, c’est-à- dire qui n’appartient pas à cette création, et ce n’est pas avec le sang des boucs ou des jeunes taureaux, mais avec son propre sang, qu’il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, nous ayant acquis l’éternelle rédemption. Si le sang des taureaux et des boucs, si la cendre des génisses, en effet, sanctifient par leur aspersion ceux qui sont souillés et leur procurent la pureté de la chair, combien plus le sang du Christ, qui par l’éternel Esprit s’est lui-même offert à Dieu comme victime sans tache, purifiera-t-il notre conscience de ses œuvres de mort, pour nous permettre de rendre un culte au Dieu de vie !

https://vimeo.com/404219924

Lecture de l’Évangile selon Saint Marc (du dimanche) (Mc X,32-45)

En ce temps-là, les disciples étaient en chemin pour monter à Jérusalem, et Jésus allait devant eux. Ils étaient troublés, et le suivaient avec crainte. Et Jésus prit de nouveau les douze auprès de lui, et commença à leur dire ce qui devait lui arriver : « Voici, nous montons à Jérusalem, et le Fils de l’homme sera livré aux principaux sacrificateurs et aux scribes. Ils le condamneront à mort, et ils le livreront aux païens, qui se moqueront de lui, cracheront sur lui, le battront de verges, et le feront mourir ; et, trois jours après, il ressuscitera. »

Les fils de Zébédée, Jacques et Jean, s’approchèrent de Jésus, et lui dirent : « Maître, nous voudrions que tu fasses pour nous ce que nous te demanderons. » Il leur dit :

« Que voulez-vous que je fasse pour vous ? » « Accorde-nous, lui dirent-ils, d’être assis l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, quand tu seras dans ta gloire. » Jésus leur répondit : « Vous ne savez ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire, ou être baptisés du baptême dont je dois être baptisé ? » « Nous le pouvons, dirent-ils. » Et Jésus leur répondit : « Il est vrai que vous boirez la coupe que je dois boire, et que vous serez baptisés du baptême dont je dois être baptisé ; mais pour ce qui est d’être assis à ma droite ou à ma gauche, cela ne dépend pas de moi, et ne sera donné qu’à ceux à qui cela est réservé. »

Les dix, ayant entendu cela, commencèrent à s’indigner contre Jacques et Jean. Jésus les appela, et leur dit : « Vous savez que ceux qu’on regarde comme les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands les dominent. Il n’en est pas de même au milieu de vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur ; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de plusieurs. »


Vie de Sainte Marie d’Egypte

L’Eglise avec une sollicitude maternelle nous prend par la main pour nous conduire dans notre vie liturgique et nous aider à aborder le Carême. La période du Triode de Carême est là avec ses 3 dimanches: Zachée qui nous avertit que le Carême vient, puis le dimanche du Pharisien et du Publicain, 1er dimanche, 2ème dimanche  celui du Fils Prodigue, le 3ème, le Jugement dernier, puis le grand dimanche du Pardon et nous entrons dans cette période de retour vers Dieu.

Mais le Carême est long et nos forces faibles et après la première semaine où nous sommes soutenus par les offices du grand Canon de St André de Crête, la 2ème et 3ème semaine sont moins faciles et le dimanche de la Croix vient nous aider et nous arrivons au 5ème dimanche où nous faisons mémoire de Ste Marie l’Egyptienne. Mais déjà le jeudi lors de l’office du Grand Canon de St André de Crête, la vie de Ste Marie l’Egyptienne est lue à haute voix et en entier. La première fois que je l’ai entendue ce fut un choc qui ne m’a pas quittée et c’est ce que je voudrais partager avec vous.

J’ai choisi le récit de Saint Sophrone, patriarche de Jérusalem (550-638) pour sa vision et son style imprégnés de l’expression spirituelle de son époque qui est proche de celle de Marie l’Egyptienne, qui est du Vème siècle .(On date sa mort en 421).

«Que nul n’hésite à me croire, moi qui ai écrit ce que j’ai entendu; que  nul ne pense que j’invente des fables, subjugué par la grandeur des miracles. Que Dieu me préserve de mentir et de falsifier un récit dans lequel est cité son saint Nom. Il n’est pas raisonnable, à mon sens, de nourrir des pensées peu élevées, indignes de la grandeur du Verbe fait homme et de ne pas avoir foi en ce qui est dit ici ».

Il y avait dans les monastères de Palestine un homme remarquable par sa vie et sa parole, élevé depuis son plus jeune âge dans la pratique des exercices de la vie monacale et du bien. Son nom était Zosime. La renommée de sa vie spirituelle devint telle que de nombreuses personnes venaient le trouver des monastères proches ou éloignés pour puiser dans son enseignement un exemple et une règle. Les portes du monastère demeuraient toujours fermées.

Mais le premier dimanche de Carême, après la liturgie chaque moine se prosternait et s’embrassait mutuellement en demandant de prier pour la lutte qui l’attendait. (Ce que nous faisons le Dimanche du Pardon). Et les portes du monastère s’ouvraient et au chant du psaume: «Le Seigneur est mon illumination et mon Sauveur, qui craindrai-je?». Chaque moine emportait avec lui la nourriture qu’il voulait et pouvait prendre: du pain, des figues, des dattes, des graines germées, certain n’avait rien et se contentait de ce qu’il trouvait dans le désert. Ils avaient comme règle, qui était strictement observée, d’ignorer entre eux leur manière de vivre et de pratiquer le jeûne. Traversant le Jourdain, ils se dispersaient dans le désert loin les uns des autres. Chacun vivait seul, en présence de Dieu, mangeant peu et chantant des psaumes inlassablement. Le Carême passé ils revenaient au monastère pour la fête des Rameaux et personne ne s’occupait de savoir comment son frère avait passé ce temps de pénitence.

Zosime, comme ses frères, franchit le Jourdain et s’enfonce dans le désert en marchant et priant inlassablement. Il marchait déjà depuis 20 jours lorsque s’arrêtant pour la prière du soir, il vit à la droite de l’éminence où il se trouvait la silhouette d’un corps humain, cet être était nu, noir de corps comme s’il avait été brûlé par le soleil, ses cheveux étaient blanc comme du lin et courts ne descendant pas au-delà du cou. Zosime se met à courir à sa rencontre, mais la personne s’enfuit et Zosime, malgré sa vieillesse continue de courir et bientôt la distance diminue entre eux et Zosime se met à crier: «Pourquoi fuis-tu devant un vieillard pêcheur, serviteur de Dieu, attends moi qui que tu sois, je t’en conjure au nom de Dieu, pour l’amour duquel tu vis dans ce désert. Attends l’homme faible et indigne que je suis. Arrête toi, prie pour moi et  donne moi ta bénédiction au nom du Seigneur.»

Le fugitif fit alors entendre sa voix lorsqu’il fut à l’abri d’un ravin: « Père Zosime pardonne-moi pour l’amour de Dieu; je ne puis me retourner et te montrer ma face. Je suis femme et nue. Mais si tu veux exaucer la prière d’une pécheresse, lance-moi ton vêtement pour que je puisse en couvrir ma faiblesse féminine et me tourner vers toi pour recevoir ta bénédiction.» L’effroi et la stupeur saisissent Zosime mais il  comprend que la femme ne l’aurait pas appelé par son nom sans l’avoir jamais vu auparavant, ni en avoir entendu parler, si elle ne possédait pas le don de clairvoyance. Il lui lance immédiatement son vieux manteau, elle l’enfile et lui dit: «Pourquoi Zosime as-tu désiré voir une pécheresse? Que veux-tu voir ou apprendre de moi, pour ne pas avoir craint d’assumer une telle fatigue?» Zosime encore effrayé dit alors: «Oh, mère habitée par l’Esprit Divin, il apparaît de ta façon de vivre que tu demeures près  de Dieu et que tu es déjà presque morte pour ce monde. Evidente est également la Grâce qui t’est accordée par le Seigneur puisque tu m’as appelé par mon nom et as reconnu ma qualité de prêtre sans m’avoir jamais vu auparavant. La Grâce se reconnaît non au rang, mais aux dons spirituels. Donne moi donc ta bénédiction, pour l’amour de Dieu, et prie pour moi qui ai besoin de ton intercession.» Après avoir donné sa bénédiction, la femme lui dit: « Pourquoi, homme, es-tu venu trouver une pécheresse? Du reste, tu as été amené ici par la Grâce du Saint Esprit, afin d’assurer à mon intention un service opportun.»

Ayant parlé, elle se tourna vers l’orient et commença à prier. Zosime vit que la femme s’était élevée d’un coude au-dessus du sol et demeurait ainsi debout dans les airs en priant. Il ne put que s’agenouiller en disant:» Seigneur, pardonne-moi.»

Puis il supplie la femme en pleurant: « Je t’en conjure au nom du Christ notre Dieu, né de la Vierge Marie et pour l’amour duquel tu t’es résignée à cette nudité, pour l’amour duquel tu as tant mortifié ta chair, ne cache pas de ton esclave qui tu es, d’où tu viens quand et comment tu es venue dans ce désert? Révèle moi tout afin que soit connue l’action merveilleuse de Dieu. La sagesse cachée et les trésors enfouis de quelle utilité peuvent-ils être? Dis moi tout, je t’en conjure……S’il n’entrait pas dans la volonté du Christ, notre Dieu, de te révéler toi et ton ascèse, il n’aurait permis à personne de te voir et ne m’aurait pas donné la force d’accomplir un tel trajet, à moi qui n’ai jamais souhaité et n’ai jamais osé quitter ma cellule.»

Après avoir écouté le vieillard qui pleurait, la femme commença: « Je te dirai tout, sans rien celer, en te suppliant de prier pour moi, afin que Dieu me soit miséricordieux

lors du jugement dernier. Voici, mon pays natal, frère, est l’Egypte. Du vivant de mes parents alors que j’avais 12 ans j’ai renié leur amour et suis venue à Alexandrie. J’ai honte de me remémorer comment j’ai perdu ma chasteté et me suis ensuite adonnée avec une frénésie insatiable à la luxure. J’ai vécu près de 17 ans dans cet état, en étant pour ainsi dire, le bûcher du vice. Souvent lorsqu’on voulait me payer, je refusais l’argent, j’accomplissais bénévolement ce qui m’était agréable. Ne pense pas que j’étais riche et que je refusais l’argent pour cette raison. Je vivais d’aumônes, parfois je gagnais un peu d’argent en filant du lin. Mais j’étais possédée par un désir inassouvissable et une passion indomptable. Pour moi c’était la vie, j’estimais que toute souillure de la nature était la vie.

Un jour d’été je vis une multitude de Lybiens et d’Egyptiens courir en direction de la mer. Je demandais à un passant où courent ces gens, il me répondit tout le monde part pour Jérusalem afin d’assister à l’Exaltation de la Sainte Croix, qui doit avoir lieu dans quelques jours. Ne me prendraient-ils pas avec eux ?- – Personne ne s’y opposera si tu as de l’argent pour payer ton voyage et tes vivres.–J’irai moi aussi à Jérusalem. Ils me nourriront, qu’ils le veuillent ou non, j’ai un corps ils le prendront en paiement de la traversée. Voyant mon consentement au vice, ils me prirent avec eux. Je me demande, mon Père, comment les flots ont pu tolérer mon inconduite, comment l’enfer ne m’a pas engloutie vivante. Mais je pense que Dieu cherchait mon repentir, car il ne souhaite pas la mort du pêcheur, mais attend généreusement son amendement. C’est ainsi que nous atteignîmes Jérusalem.

Le jour de l’Exaltation de la sainte Croix, tout le monde se hâtait vers l’église, j’y courus aussi, j’arrivai ainsi jusqu’au parvis. A grand peine et très pressée, je parvins finalement jusqu’à la porte par laquelle apparaissait aux fidèles la Sainte Croix. Lorsque je mis le pied sur le seuil de l’église que tous franchissaient sans encombre, une force inconnue me retint, m’empêchant de passer. Je fus de nouveau repoussée et me retrouvai seule isolée sous le porche. Trois fois, quatre fois, je répétais la manœuvre, jusqu’à ce que fatiguée, j’eus perdu la force de me démener dans la foule et de supporter ses coups. Je m’écartais et restais debout dans un angle du porche. A grand peine commençais-je à entrevoir la raison qui m’empêchait de pénétrer et d’apercevoir la Sainte et Vivifiante Croix. Mon cœur s’ouvrit à la parole de salut et je compris que l’indignité de mes actes me barrait l’entrée de l’église. Je commençais à pleurer et me lamenter, tout en pleurant, j’aperçus au dessus de moi une icône de la Vierge. Je lui dis en la fixant du regard: « Si comme je l’ai entendu dire, Dieu qui naquit de toi, s’est fait homme pour amener les humains au repentir, viens en aide à une femme solitaire, qui ne peut attendre d’aide de personne. Ordonne que l’entrée de l’église me soit ouverte, ne me prive pas de la possibilité de contempler la Croix. Sitôt que j’aurai vu la Sainte Croix de ton Fils je renoncerai au monde et à tout ce qu’il contient et me retirerai là où tu me l’ordonneras et me conduiras.»

Ainsi parlai-je, et ayant acquis quelque espoir dans une foi ardente, je quittai la place où je priais. Et me mêlai de nouveau à la foule qui entrait à l’église. En proie à la crainte, je tremblais. Arrivée près de la porte qui m’était restée fermée, je sentis que la force qui m’empêchait d’entrer auparavant m’ouvrait à présent la voie. Je fus admise à contempler la Croix et vis comment le Seigneur reçoit les repentants. Je me prosternai et après avoir embrassé la terre, je retournai à la place où j’avais fait mon vœu et m’adressai à la Mère de Dieu: « Tu n’a pas repoussé la prière d’une femme indigne et maintenant conduis moi par la main sur le sentier du repentir où tu le désires. A ces mots, j’entendis une voix venant d’en haut: «Si tu traverses le Jourdain, tu y trouveras un glorieux repos.

« Je sortis alors du porche et me mis en route. Je demandais mon chemin aux passants j’atteignis enfin l’église de St Jean Baptiste et descendis immédiatement au Jourdain. Je passai la nuit allongée sur le sol et le matin découvrant une petite barque je passai le Jourdain et me retrouvai dans le désert et depuis lors et jusqu’à ce jour, je m’éloigne et fuis, vivant ici dans la recherche constante de Dieu qui préserve ceux qui l’implorent du découragement et des tempêtes. Zosime demanda alors «Depuis combien d’années, ma Mère demeures-tu dans ce désert?»

Quarante-sept ans se sont écoulés, me semble-t-il, depuis que j’ai quitté la ville sainte? Crois-moi, mon Père, j’ai vécu 17 ans dans ce désert en luttant contre les animaux sauvages que sont mes désirs forcenés. Dès que je m’apprêtais à prendre quelque nourriture, j’aspirais à manger de la viande ou du poisson, si abondant en Egypte. Je désirais boire du vin que j’aimais tant, j’en buvais beaucoup du temps du temps où je vivais dans le monde. Ici je n’avais même pas d’eau et souffris horriblement de la soif. J’étais également torturée par un désir ardent de chanter les chansons grivoises du démon que j’avais apprises naguère. Je me frappais immédiatement la poitrine en pleurant et me remettais en mémoire le serment que j’avais fait en me retirant au désert. Lorsque j’avais suffisamment pleuré, je voyais une clarté m’éclairer de toutes parts. Puis après l’orage, survenait une longue période d’accalmie.

Zosime demanda: Est-il possible que tu n’aies pas manqué de nourriture et de vêtements? Elle répondit: « Ayant fini les pains dont je t’ai parlé, je me suis nourrie pendant 17 ans des herbes et de tout ce que l’on peut trouver dans le désert. Quant aux vêtements que je portais ils se sont déchirés et usés. J’ai beaucoup souffert du froid et même de la chaleur torride de l’été: tantôt j’étais brûlée par le soleil, tantôt je tremblais de froid et, souvent tombant sur le sol, j’y demeurais allongée sans respiration ni mouvement. Jusqu’à ce jour la Providence a protégé mon âme de pécheresse et mon pauvre corps par les voies les plus variées. Lorsque je pense de quels maux m’a sauvé le Seigneur, j’y trouve un aliment spirituel et un espoir de salut. Je me suis nourrie et me vêtue de la parole de Dieu.»

Zosime l’interroge encore: Tu as lu les psaumes et autres livres? « Crois-moi, je n’ai même pas vu figure humaine depuis que j’ai traversé le Jourdain, sauf toi aujourd’hui. Je n’ai vu ni bête ni aucun être vivant depuis que j’ai connu ce désert. Je n’ai jamais lu de livre ni même jamais entendu quelqu’un chanter ou lire un livre. Mais la Parole Divine, vivante et agissante donne elle-même à l’homme toutes les connaissances. Voici la fin de mon récit. Mais je t’en conjure au nom du Christ notre Seigneur et Dieu de ne révéler à personne ce que tu viens d’entendre, tant que Dieu ne m’aura pas délivrée de cette terre. Pars en paix, l’année prochaine tu me reverras et je te verrai de nouveau mais fais ce que je vais te demander maintenant. Au Grand Carême de l’année prochaine ne traverse pas le Jourdain comme il est de coutume dans votre monastère.» Zosime fut surpris de voir qu’elle connaissait les règles des son monastère, mais elle continua: «Demeure au monastère, Père il t’en sera impossible d’en sortir. Mais le soir du jour où l’on commémore la Cène, prends à mon intention une parcelle de la chair et du sang vivifiant du Christ apporte les ici et attend moi sur la rive du Jourdain la plus proche des lieux habités, afin que je puisse recevoir la sainte communion. Je te demande et te supplie d’accéder à ma requête – apporte moi les Saints et vivifiants Dons à l’aube du jour où le Seigneur fit participer ses disciples à la Sainte Cène.» Elle disparut et Zosime revint au monastère le jour même où les autres moines y faisaient leur rentrée. Toute l’année il garda le silence. Lorsque arriva le dimanche qui commence le Carême les moines sortirent en chantant des psaumes mais Zosime brûlait de fièvre et ne put sortir, et demeura au monastère.

Le Jeudi Saint il fit ce qui lui avait été demandé. Il mit dans un ciboire une parcelle de la Chair et du Sang du Christ notre Dieu sorti du monastère et s’assit au bord du Jourdain attendant la venue de la sainte. Lorsqu’il la vit arriver, il se demanda comment la faire traverser le Jourdain. Alors il la vit tracer le signe de la Sainte Croix au dessus du fleuve, s’avancer aussitôt sur l’eau et marcher sur les vagues dans sa direction et sortant du rivage elle demanda à Zosime sa bénédiction qui dit, tout effrayé par la vision «En vérité, Dieu est fidèle, lui qui a promis que lui seront semblables tous ceux qui se purifieront dans la mesure de leurs forces. Gloire au Christ notre Dieu qui m’a montré par sa servante à quel point je suis éloigné de la  perfection».

La femme le pria de dire le Symbole des Apôtre et l’Oraison dominicale,  il commença et elle termina la prière et selon la coutume donna au vieillard le baiser de paix, et ayant communié elle récita la prière de Syméon: «Maintenant Seigneur, laisse ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole, car mes yeux ont vu ton salut.» Puis elle dit à Zosime: «Exauce un autre de mes désirs. Rentre au monastère, que Dieu te protège et l’année prochaine retourne de nouveau au torrent où je t’ai rencontré la première fois. Viens et tu me verras de nouveau, car telle est la volonté de Dieu. Prie pour moi et souviens-toi de la malheureuse que je suis».

Quant à elle ayant fait le signe de la croix sur la rivière elle la traversa. Le vieillard rentra au monastère se reprochant de ne pas lui avoir demandé son nom.

Un an après Zosime retourne au désert ayant observé tous les usages du monastère et arrivant au lieu où il avait rencontré la femme il vit la sainte étendue morte, tournée vers l’Orient, ses mains étant croisées comme il convient. Il pleura longtemps, ayant récité les psaumes il dit la prière des morts. Il vit tracé sur le sol: «Père Zosime, enterre à cet endroit le corps de l’humble Marie, restitue la poussière à la poussière morte au mois d’avril le premier jour dans la nuit même de la passion du Seigneur après avoir reçu la communion». Il comprit qu’après avoir communié sur les bords du Jourdain, la sainte s’était transportée à l’endroit où elle était morte. Il commença à creuser pour l’enterrer, mais la terre était trop dure pour ses faibles forces. Levant les yeux il vit un grand lion léchant les pieds de la sainte. Alors confiant dans la protection de la sainte, Zosime lui dit: La Glorieuse a ordonné d’inhumer son corps, mais je suis vieux et n’ai pas la force de creuser une tombe, je n’ai pas de pelle et ne peux retourner si loin pour apporter un outil convenable, fais donc ce travail avec tes griffes et rendons à la terre la dépouille mortelle de la sainte. Le lion avait déjà creusé un trou suffisant pour enfouir le corps. Marie recouverte de terre, tous deux s’éloignèrent le lion doux comme un agneau s’enfonça dans le désert et Zosime rentra au monastère où il raconta tout  aux moines qui conservèrent la tradition de ces faits sans les inscrire et les proposaient en exemple édifiants à tous ceux qui voulaient bien les entendre.

Monique Guillon

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