Dimanche de Tous les Saints

Textes liturgiques

Tropaire, ton 8 dimanche, la Résurrection

Tu es descendu des cieux, ô Compatissant, / Tu as accepté d’être enseveli trois jours / pour nous libérer des passions ; // notre Vie et notre Résurrection, Seigneur, gloire à Toi.

Tropaire, ton 4 Tous les Saints

Parée du sang de tes martyrs du monde entier comme de pourpre et de lin, / ton Église te clame par leur intercession, ô Christ Dieu : / Étends ta compassion sur tes fidèles ; / accorde la paix à ton peuple // et à nos âmes la grande miséricorde.

Kondakion, ton 8 dimanche, la Résurrection

Ressuscité du tombeau, Tu as relevé les morts et ressuscité Adam ; / Ève exulte dans ta résurrection // et les confins du monde célèbrent ta résurrection d’entre les morts, ô Très-miséricordieux.

Gloire…

Kondakion, ton 8 les saints Martyrs

Comme prémices de la nature, le monde entier t’offre, Seigneur, / les Martyrs théophores, à toi qui fais pousser la création ; / par leurs supplications et les prières de la Mère de Dieu, // garde ton Église dans une paix profonde, ô Très-Miséricordieux.

Et maintenant…

Kondakion, ton 6 la Mère de Dieu

Protectrice assurée des chrétiens, / médiatrice sans défaillance devant le Créateur, / ne dédaigne pas les supplications des pécheurs, / mais dans ta bonté empresse-toi de nous secourir, / nous qui te clamons avec foi : / sois prompte dans ton intercession et empressée dans ta prière, // ô Mère de Dieu, qui protèges toujours ceux qui t’honorent.


Les lectures du jour

Lecture du saint apôtre Paul aux Hébreux (Hb.XI, 33-XII, 2)

Frères, c’est par la foi que les saints vainquirent des royaumes, exercèrent la justice, obtinrent des promesses, fermèrent la gueule des lions, éteignirent la puissance du feu, échappèrent au tranchant de l’épée, guérirent de leurs maladies, furent vaillants à la guerre, mirent en fuite des armées étrangères. Certains ressucitèrent pour des femmes leur enfant mort ; d’autres furent livrés aux tourments, et n’acceptèrent point de délivrance, afin d’obtenir une meilleure résurrection ; d’autres subirent les moqueries et le fouet, les chaînes et la prison ; ils furent lapidés, sciés, torturés, ils moururent tués par l’épée, ils allèrent çà et là vêtus de peaux de brebis et de peaux de chèvres, dénués de tout, persécutés, maltraités, eux dont le monde n’était pas digne, errants dans les déserts et les montagnes, dans les cavernes et les antres de la terre. Tous ceux-là, à la foi desquels il a été rendu témoignage, n’ont pas obtenu ce qui leur était promis, Dieu ayant en vue quelque chose de meilleur pour nous, afin qu’ils ne parvinssent pas sans nous à la perfection.

Nous donc aussi, puisque nous sommes environnés d’une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau, et d’abord le péché qui nous entrave si facilement, et courons avec persévérance l’épreuve qui nous est proposée, ayant les regards sur Jésus, qui est à l’origine de notre foi et qui la mène à son ultime perfection.

Lecture de l’Évangile selon saint Matthieu (Mt.X, 32-33, 37, XIX, 27-30)

En ce temps-là, Jésus déclara : « En vérité, je vous le dis, quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les cieux ; mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père qui est dans les cieux. Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère ; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. »

Pierre, prenant alors la parole, lui dit : « Voici, nous avons tout quitté, et nous t’avons suivi ; qu’en sera-t-il pour nous ? » Jésus leur répondit : « Je vous le dis en vérité, quand le Fils de l’homme, au renouvellement de toutes choses, sera assis sur le trône de sa gloire, vous qui m’avez suivi, vous serez de même assis sur douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d’Israël. Et quiconque aura quitté, à cause de mon nom, ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses terres, ou ses maisons, recevra le centuple, et héritera la vie éternelle. Plusieurs des premiers seront les derniers, et plusieurs des derniers seront les premiers. »


Homélie prononcée par Père Boris Bobrinskoy, le 22 juin 2003 à la Crypte (Cathédrale Saint Alexandre Nevski, Paris)

Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,

Nous venons de célébrer dimanche dernier la Pentecôte de l’Esprit c’est à dire la fête de la descente de l’Esprit Saint sur les disciples – les confirmant définitivement apôtres –, sur l’Église entière et sur le monde.

La fête de la Pentecôte n’est pas une fête comme toutes les autres car, en ce jour, il ne s’agit pas seulement d’un moment particulier, d’un événement irréversible et unique, il s’agit surtout de l’inauguration d’une nouvelle période. Ici commence une ère nouvelle où, désormais, l’Esprit Saint survient, descend, se répand et se donne de jour en jour et jusqu’à la fin des temps.

C’est pourquoi nous sommes toujours, jour après jour – car autrement l’Église ne subsisterait pas – dans l’instant, dans le temps et dans le miracle permanent de la Pentecôte. C’est pourquoi nous pouvons parler de l’Église comme d’une Pentecôte permanente. Les Pères ainsi que les théologiens contemporains aiment rappeler que l’Église, et en particulier l’Eucharistie où nous communions dans l’Esprit Saint aux saints Corps et Sang du Christ, est une Pentecôte permanente.

Mais, dans cette Pentecôte permanente, quelle est l’œuvre de l’Esprit Saint ? Comment se manifeste-t-Il ?

Parce qu’Il est le Saint par excellence, avec le Père et le Fils, l’Esprit Saint communique la sainteté. Aujourd’hui nous pouvons dire en vérité que la sainteté en tant qu’attribut, énergie et qualité divine, porte en elle toute la plénitude des dons de Dieu : L’amour, l’humilité, la douceur, la sagesse, le courage, la foi… tout se conjugue, tout fusionne dans cette réalité, cette expérience, ce don unique qui est celui de la sainteté. En effet, la sainteté est toujours un don de Dieu, la sainteté ne nous appartient pas, elle implique toujours l’action et le souffle flamboyant de l’Esprit Saint dans le monde et avant tout dans les cœurs humains.

Nul ne peut représenter le Saint Esprit : le feu, l’eau, le vent, la colombe sont des images, des figures qui l’esquissent à peine. L’Esprit Saint échappe à nos représentations car Il est plus intérieur, plus indicible, plus impénétrable, plus insaisissable. Si nous ne Lui connaissons pas de visage propre, nous le vivons, malgré tout, d’une expérience extraordinaire lorsque l’Esprit Saint souffle en nous et qu’Il dilate nos cœurs et nos poumons. À tel point qu’un grand théologien de notre époque, Vladimir Lossky, a pu dire ceci : « Cette personne divine inconnue qui est l’Esprit Saint, n’ayant pas Son image à Elle – Son image ou Son nom, Sa figure proprement dite – se manifestera dans les personnes déifiées car la multitude des Saints sera Son image. » Il faut comprendre que l’Esprit Saint est cette intériorité sublime, cette intériorité extrême, c’est-à-dire qu’Il est le plus intérieur au plus intime de moi-même. Et lorsque l’Esprit Saint nous pénètre alors viennent les fruits de l’Esprit Saint, que sont la douceur, la foi, l’amour… et tout ceci concourant dans la sainteté.

La sainteté nous est donnée parce que nous sommes appelés à être parfaits « comme votre Père céleste est parfait », à être miséricordieux « comme votre Père céleste est miséricordieux », à être saints « Soyez saints, disait Dieu à Israël par l’intermédiaire de Moïse, soyez saints car, Moi, le Seigneur votre Dieu, Je suis Saint. » La sainteté comme énergie divine se communique. Et en se communiquant elle nous déifie et nous transforme.

Et en ce Dimanche de tous les Saints il convient de mettre l’accent non seulement sur la sainteté mais aussi sur tous ceux qui sont les porteurs de la sainteté. Ils sont des porteurs, certes, toujours indignes, des serviteurs toujours inutiles mais ils sont des porteurs couronnés, des serviteurs déifiés. Ils sont des porteurs reconnus par l’Esprit Saint Lui-même et révélés dans le monde par leurs œuvres et par la louange de l’Église.

Depuis les commencements des temps, les saints ont jalonné l’histoire de l’humanité. Depuis les Patriarches, depuis même Abraham, et dirais-je, depuis même Adam et Ève qui se sont repentis aux portes du Paradis, les saints ont contribué à la préparation évangélique au temps de l’Ancienne Alliance – l’Ancien Testament –, et jusqu’à la venue du Christ, avec la Mère de Dieu et saint Jean-Baptiste. Dans cette évocation, je ne voudrais pas oublier les anges car ces personnes mystérieuses sont tellement présentes à la vie du monde, à la vie de l’Église, à l’œuvre du Christ, ainsi qu’à notre propre existence, à chacun de nous.

Parmi les saints, les martyrs inspirent à l’Église une vénération particulière comme nous avons pu l’entendre dans l’office des vigiles et les tropaires de la liturgie. Que ce soient ceux qui versèrent leur sang, que ce soient ceux qui confessèrent le Christ par leur souffrance, les martyrs ont, au même titre que ceux qui confessent le Christ par leur ascèse, tout particulièrement communié à la mort et à la résurrection du Christ. Et il faut rappeler que les martyrs sont une image, une figure, un exemple, et surtout un appel pour nous tous où que nous soyons et qui que nous soyons, car le sens du martyr c’est d’être témoin. Les martyrs nous appellent à être témoins du Christ, par notre vie, par notre existence, par nos pauvres œuvres, par nos souffrances, par notre témoignage pouvant aller jusqu’à la souffrance et jusqu’à la mort.

Et l’Église fait encore mémoire d’une multitude de saints de toutes les époques. Il faut que nous apprenions, chers amis, à connaître les saints, à les découvrir, à étudier leur exemple, à célébrer et à louer tous ces évêques, ces moines mais aussi ces saints « dans le monde » qu’on a parfois tendance à oublier. Nous sommes, en effet, tellement illuminés, éclairés et impressionnés par les grandes figures de saints moines, martyrs, évêques, princes… que nous discernons mal tous ceux qui « dans le monde » vivent au jour le jour la vie en Christ, qui L’accueillent en leur être, qui portent en eux les semences de résurrection et la puissance de divinisation. Ainsi, pouvons-nous affirmer que les saints sont parmi nous  ! Il n’y a pas de frontière tranchée entre les saints canonisés et ceux qui ne l’ont pas encore été.

Nous devons apprendre à reconnaître ceux qui, à notre insu, portent le Christ dans leur cœur et deviennent les amis de Dieu. Et je dirais même qu’il n’y a pas de frontière entre les saints et les membres de l’Église, car tous nous sommes baptisés par le même baptême, tous oints du même saint chrême – c’est une figure de la plénitude de l’Esprit Saint – tous nous sommes nourris du Corps et du Sang du Christ et tous embrasés dans cette communion par le feu de l’Esprit. Il n’y a donc pas de frontière, car il n’y a qu’un seul appel, une seule vocation chrétienne, et c’est la vocation à la sainteté.

Évidemment, parmi tous ces saints il y en a certains pour lesquels nous pouvons, les uns ou les autres, ressentir une affinité particulière et entretenir une sorte de relation d’amitié, de filiation. Si les saints sont nos pères, ils sont aussi nos frères en Christ. Ceux qui nous ont précédés nous accompagnent et intercèdent pour nous, tandis que nous les vénérons et leur demandons d’intercéder pour nous. Voilà pourquoi nous devons apprendre à connaître les saints de toutes les époques, à connaître leur vie, à nous inspirer de leurs exemples et de leurs enseignements. Voilà pourquoi une place digne et juste est réservée aux saints dans la célébration des saints mystères et dans la vie liturgique.

Je voudrais terminer sur un point essentiel : Dans la Divine Liturgie nous sommes un avec les saints. Lorsque nous communions au saint Corps et au Sang du Christ, nous communions au « Christ total », comme le disait saint Augustin. Et, le Christ total est la Tête, et cette Tête est inséparable du corps qu’est l’Église. Dans l’Église les membres de ce corps sont les Saints et nous autres. Lorsque nous communions au Corps et au Sang du Christ nous parlons de la présence réelle du Christ dans l’Église et puisque le Seigneur nous dit « lorsque je serai élevé de terre j’attirerai tous les hommes à moi » , par conséquent cette présence réelle n’est pas seulement la présence d’un Christ seul. Désormais cette attraction opère et alors cette présence réelle dans la communion est aussi la présence réelle des saints, des saints d’antan, des saints du passé, des saints du présent et sans doute aussi des saints du futur. Dans la Divine Liturgie nous sommes un avec tous ceux avec lesquels nous serons réunis après le Jugement lorsque nous entourerons le trône de l’Agneau et du Père.

Mes amis, je vous encourage à prendre conscience que cette sainteté de l’Église est la sainteté de ses membres et que le péché de l’Église est, avant tout, le péché de ses membres. Or, le péché des membres obscurcit le message de l’Évangile et constitue un véritable obstacle à la gloire et au témoignage de Dieu et du Fils à travers Son Église, à travers ses membres. Puissions-nous donc tous, nous aussi, chers amis, chers frères et sœurs, entendre tout d’abord cet appel de Dieu car il n’y en a pas d’autres. Puissions-nous assumer cette vocation à la sainteté, à la vie divine, cette vocation pour laquelle nous sommes préparés, accompagnés et nourris par les dons de l’Esprit Saint, dons multiples et riches, dons d’amour, de tendresse, de compassion, de foi, de sagesse, de courage et de témoignage que l’Esprit Saint nous offre jusqu’à la fin de temps.

Amen

Notes

Cf. successivement Matthieu V, 48 puis Luc VI, 36 et Lévitique XI, 44-45 ; XIX, 2. 

Cf. Jean XII, 32

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