Ascension de Notre Seigneur

Textes liturgiques

Tropaire, ton 4 de l’Ascension

Tu T’es élevé dans la gloire, ô Christ notre Dieu, / ayant, par la promesse du Saint-Esprit, / rempli de joie tes disciples / affermis par ta bénédiction ; // car Tu es le Fils de Dieu, le libérateur du monde.

Gloire… et maintenant…

Kondakion, ton 6 de l’Ascension

Ayant accompli ton dessein de salut pour nous, / et uni ce qui est sur terre à ce qui est aux cieux, / Tu T’es élevé dans la gloire, ô Christ notre Dieu, / sans nullement nous quitter, mais en demeurant inséparable de nous / et clamant à ceux qui T’aiment : // Je suis avec vous et personne ne prévaudra contre vous.

Les lectures du jour

Lecture des Actes des Apôtres (Ac.I, 1-12)

Mon premier livre, Théophile, je l’ai consacré à tout ce que Jésus s’est mis à faire et à enseigner jusqu’au jour où, après avoir donné ses ordres aux apôtres qu’il avait choisis, il fut enlevé au ciel par le Saint Esprit. Après sa passion, il leur apparut vivant, et leur en donna plusieurs preuves, se montrant à eux pendant quarante jours, et parlant des choses qui concernent le royaume de Dieu. Au cours d’un repas qu’il prenait avec eux, il leur recommanda de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’attendre ce que le Père avait promis, « ce que je vous ai annoncé, leur dit-il ; car Jean a baptisé d’eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint Esprit. » Alors les apôtres réunis lui demandèrent : « Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d’Israël ? » Il leur répondit : « Ce n’est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais vous recevrez une puissance, le Saint Esprit descendant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »

Après avoir dit cela, il fut élevé pendant qu’ils le regardaient, et une nuée le déroba à leurs yeux. Et comme ils avaient les regards fixés vers le ciel pendant qu’il s’en allait, voici que deux hommes vêtus de blanc leur apparurent et dirent : « Hommes Galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu aller au ciel. » Alors, depuis le mont des oliviers, qui est près de Jérusalem, à la distance d’un chemin de sabbat, ils s’en retournèrent à Jérusalem.

Lecture de l’Évangile selon Saint Luc (Jn.XXIV, 36-53)

Tandis que les disciples parlaient, Jésus se présenta au milieu d’eux, et leur dit : « La paix soit avec vous ! » Saisis de frayeur et d’épouvante, ils croyaient voir un esprit. Mais il leur dit : « Pourquoi êtes-vous troublés, et pourquoi pareilles pensées s’élèvent-elles dans vos cœurs ? Voyez mes mains et mes pieds, c’est bien moi ; touchez-moi et voyez : un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai. » Et en disant cela, il leur montra ses mains et ses pieds. Comme, dans leur joie, ils ne croyaient point encore, et qu’ils étaient dans l’étonnement, il leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Ils lui présentèrent du poisson rôti et un rayon de miel. Il en prit, et il mangea devant eux. Puis il leur dit : « C’est là ce que je vous disais lorsque j’étais encore avec vous, qu’il fallait que s’accomplît tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes, et dans les psaumes. » Alors il leur ouvrit l’esprit, afin qu’ils comprennent les Écritures. Et il leur dit : « C’est comme il est écrit : le Christ souffrira, et il ressuscitera des morts le troisième jour, et la repentance et le pardon des péchés seront prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. Vous êtes témoins de ces choses. Et moi, j’enverrai sur vous ce que mon Père a promis ; mais vous, restez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la puissance venue d’en haut. » Il les conduisit jusque vers Béthanie, et, ayant levé les mains, il les bénit. Pendant qu’il les bénissait, il se sépara d’eux, et fut enlevé au ciel. Quant à eux, après l’avoir adoré, ils retournèrent à Jérusalem avec une grande joie ; et ils étaient continuellement dans le temple, louant et bénissant Dieu.

À la place de « Il est digne… »

Verset et hirmos de la 9ème ode, ton 5 l’Ascension

Magnifie, mon âme, Celui qui s’est élevé de la terre aux cieux, le Christ donateur de vie.

Toi qui au-delà de tout entendement et de toute parole / es la Mère de Dieu, / tu as ineffablement enfanté dans le temps / Celui qui est hors du temps, // c’est toi que nous, les fidèles, magnifions d’un seul cœur.


Méditation sur la Fête de l’Ascension, par le père Lev Gillet

Le mercredi qui suit le cinquième dimanche après Pâques est le jour où, selon la terminologie liturgique, nous  » prenons congé  » de la fête de Pâques. Nous commémorons le dernier jour de la présence physique du Christ ressuscité parmi ses disciples ; et pour honorer cette présence, pour honorer encore une fois la Résurrection, l’Église, en ce mercredi, répète intégralement l’office du dimanche pascal. Et maintenant nous touchons au quarantième jour après Pâques, au jeudi où l’Église célèbre la fête de l’Ascension [40].

Trois leçons de l’Ancien Testament sont lues aux vêpres de l’Ascension, le mercredi soir. La première leçon (Is 2, 2-3) nous parle d’une montagne :  » Il adviendra dans l’avenir que le mont du Temple du Seigneur sera établi au sommet des montagnes… Toutes les nations y afflueront… Venez, montons à la montagne du Seigneur « . C’est une allusion au Mont des Oliviers, d’où Jésus s’éleva vers son père. La deuxième leçon (Is 62, 10 – 63, 3, 7-9) a été choisie à cause des paroles suivantes :  » Franchissez, franchissez les portes ! Frayez un chemin au peuple… Dans son amour et sa pitié, lui-même les racheta ; il se chargea d’eux, les porta… « . Jésus montant aux cieux ouvre les portes à son peuple, lui prépare la route, le porte et l’élève avec lui. La troisième leçon (Za 14, 1, 4, 8-11) est encore une allusion au mont qui fut la scène du triomphe final de Jésus :  » Voici qu’un jour vient pour le Seigneur… Ses pieds, en ce jour se poseront sur la montagne des oliviers, qui fait face à Jérusalem du côté de l’Orient… En ce jour-là, des eaux vives sortiront de Jérusalem… « .

Les matines de l’Ascension sont déjà, dans leurs chants, pleines d’allusions à l’Esprit consolateur que Jésus va envoyer. L’Ascension prélude à la Pentecôte.

À la liturgie, nous lisons le début du livre des Actes (1, 1-12). Jésus, après un dernier entretien avec ses apôtres, s’élève et disparaît dans un nuage [41]. L’évangile de la liturgie (Lc 24, 36-53) reprend le récit des événements depuis la première apparition de Jésus ressuscité à l’assemblée des disciples [42] et continue ce récit jusqu’à l’ascension proprement dite.

Il est rare, si l’on a sincèrement vécu la joie du temps pascal, que l’on n’éprouve pas un certain serrement de cœur lorsqu’arrive le jour de l’Ascension. Nous savons bien que c’est une des très grandes fêtes chrétiennes ; et, malgré nous, il nous semble que c’est là un départ, une séparation, et qu’ensuite Notre-Seigneur n’est plus présent tout-à-fait de la même manière. Les disciples n’ont pas réagi ainsi. Ils auraient pu être accablés de tristesse. Au contraire  » ils revinrent à Jérusalem en grande joie (Lc 24,52) « . Essayons d’entrer, nous aussi, dans cette joie de l’Ascension. Pourquoi l’Ascension apporte-t-elle de la joie aux Chrétiens ? 

Tout d’abord parce que la gloire de Notre-Seigneur doit nous être chère. Or l’Ascension couronne sa mission terrestre. Il a accompli sur terre toute la mission qu’il avait reçue du Père. C’est vers le Père qu’il tend de son être. Maintenant il va recevoir du Père l’accueil que mérite sa victoire sur le péché et la mort, – victoire si douloureusement acquise. Maintenant il va être glorifié dans le ciel. La gloire et les désirs de Notre-Seigneur doivent être plus importants pour nous que les  » consolations sensibles  » que nous pouvons recevoir de sa présence. Sachons aimer assez Notre-Seigneur pour nous réjouir de sa propre joie.

Puis l’Ascension marque l’acceptation par Dieu de toute l’œuvre réparatrice du Fils. La Résurrection avait été le premier signe éclatant de cette acceptation. La Pentecôte en sera le deuxième signe. La nuée qui aujourd’hui enveloppe Jésus et monte avec lui vers le ciel représente la fumée de l’holocauste s’élevant de l’autel vers Dieu. Le sacrifice est accepté. La victime est admise auprès du Père. Elle y continuera son oblation d’une manière éternelle et céleste. L’œuvre de notre salut est accomplie et bénie.

Jésus ne revient pas isolé vers son Père. C’est le Logos incorporel qui était descendu parmi les hommes. Mais aujourd’hui c’est la Parole faite chair, à la fois vrai Dieu et vrai homme, qui entre dans le royaume des cieux. Jésus y introduit la nature humaine dont il s’est revêtu. Il ouvre les portes du royaume à l’humanité. Nous prenons, en quelque sorte par procuration, possession des biens qui nous sont offerts et possibles.  » [Dieu] nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux dans le Christ Jésus (Ép 2,6) « . Des places nous sont destinées dans le royaume si nous sommes fidèles. Notre présence y est désirée et attendue.

L’Ascension nous rend plus présente, plus actuelle, la pensée du ciel [45]. Pensons-nous assez à notre demeure permanente ? Pour la plupart des chrétiens la vie dans le ciel n’est qu’un supplément – qu’ils se représentent très mal – de la vie terrestre. La vie dans le ciel serait en quelque sorte le post-scriptum, l’appendice d’un livre dont la vie terrestre serait le texte même. Mais c’est le contraire qui est vrai. Notre vie terrestre n’est que la préface du livre. La vie dans le ciel en sera le texte, et ce texte n’aura pas de fin. Pour employer une autre image, notre vie terrestre n’est qu’un tunnel, étroit et obscur – et très court – qui débouche dans un paysage magnifique et ensoleillé. Nous pensons trop à ce qu’est maintenant notre vie. Nous ne pensons pas assez à ce qu’elle sera.  » Nulle oreille n’a entendu, nul œil n’a vu… ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment (Is 64,3) « . Aux matines de cette fête, nous avons chanté :  » Nous qui vivons dans ce monde, fêtons comme les anges… « . C’est-à-dire : pensons davantage aux anges, essayons d’entrer dans leurs sentiments, éprouvons quelque chose de ce qu’eux-mêmes éprouvèrent, lorsque le Fils revint près du Père ; transportons-nous d’avance auprès de la Bienheureuse Vierge Marie et des saints glorifiés, qui seront nos vrais concitoyens :  » Pour nous notre cité se trouve dans les cieux, d’où nous attendons Jésus-Christ… (Ph 3, 20) « . Notre vie serait transformée si, dès maintenant, nous jetions nos cœurs de l’autre côté de la barrière, au-delà de ce monde, dans le royaume où se trouve non seulement notre vrai bien, mais le vrai bien de ceux que nous aimons.

Les disciples, après avoir été séparés de Jésus, demeuraient pleins d’espoir, parce qu’ils savaient que l’Esprit allait leur être donné.  » Il leur enjoignit de ne pas quitter Jérusalem mais d’y attendre ce que le Père avait promis (Ac 1, 4) « . La nuée recouvre Jésus, mais cette nuée se colore déjà du feu de la Pentecôte. Jésus, en partant, nous fixe dans une attitude, non de regret, mais d’attente joyeuse et confiante.

Le départ de Jésus a été, un acte de bénédiction et un acte d’adoration, l’un correspondant à l’autre :  » Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et fut emporté au ciel… Pour eux s’étant prosternés devant lui, ils revinrent à Jérusalem en grande joie (Lc 24,51) « . Telle devrait être pour nous la fête de l’Ascension. Si Jésus s’éloigne sur un geste de bénédiction, et si nous adorons Jésus s’éloignant (nous parlons selon les apparences), nous nous relèverons pleins d’une force nouvelle – provenant de cette adoration, de cette bénédiction – et nous rentrerons, comme les apôtres,  » en grande joie « .

NOTES

[40] Cette fête était célébrée dans toute l’Église dès le début de Ve siècle. À cette époque, les chrétiens de Jérusalem allaient célébrer l’Ascension à Bethléem, dans l’église construite au-dessus du site traditionnel de la grotte. Il y avait dans cette coutume le désir de rapprocher le dernier jour de la vie terrestre de Jésus de son premier jour.

[41] La présence du nuage indique bien le caractère symbolique de ce qu’on pourrait appeler l’aspect physique de l’Ascension. La nuée qui enveloppait le tabernacle et qui guidait Israël dans le désert constituait le signe visible de la présence divine. La disparition de Jésus dans un nuage n’est pas une imagerie grossière. Elle signifie que la fin de la vie terrestre de Notre-Seigneur a été l’absorption de son Corps glorifié dans le sein de Dieu.

[42] Remarquons la simplicité du retour de Notre-Seigneur parmi ses disciples. Jésus ne commence pas par leur adresser des reproches ou de sublimes enseignements. Il leur souhaite la paix et leur demande aussitôt s’ils ont quelque chose à manger. Les disciples lui offrent du poisson frit et du miel. Il mange devant eux. C’est seulement ensuite que Jésus enseigne. De même, lorsque, d’une manière quelconque, nous nous sommes séparés du Sauveur, ne soyons pas anxieux au sujet de la manière dont nous rétablirons le lien : appelons simplement Jésus à nous ; donnons-lui notre poisson et notre miel, c’est-à-dire : installons-le aussitôt au centre de notre vie et de nos préoccupations quotidiennes. Reprenons la vie avec lui au point où elle a été interrompue. Il dira et fera le reste.

[43] Luc 24, 52

[44] Ep 2, 6

[45] Qu’est-ce au juste que le ciel ? Il n’y aurait rien de théologiquement impossible à ce que le ciel soit un  » lieu « , transcendant notre espace empirique. Mais, en tout cas, le ciel est un état : un état de bonheur parfait. Ce bonheur consiste premièrement et essentiellement dans la vision de Dieu – la  » vision béatifique  » – et l’union intime avec les Personnes et la vie d’amour de la Sainte Trinité. La participation à la vie divine, source de toutes les perfections et de tous les bonheurs, est un océan de joie infinie. Secondairement nous trouverons en Dieu et auprès de Lui toutes les personnes et les choses dont il est le principe. Voilà ce que nous pouvons dire avec certitude du ciel – qui demeure un mystère. Plus simplement, pensons à ce que peut être la vision constante de Notre-Seigneur, la vie auprès de lui, une vie pénétrée par la sienne et à jamais fixée dans la sienne.

[46] Is 64, 3.

[47] Ph 3, 20.

[48] Ac 1, 4.

[49] Lc 24, 51.

Extrait du livre L’An de grâce du Seigneur,
signé « Un moine de l’Église d’Orient », 
Éditions AN-NOUR (Liban) ;
Éditions du Cerf, 1988.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *